Le Général Maurice Janin : sauveur des légionnaires en Sibérie, mort dans l’oubli (première partie)

Il semblerait que dans notre histoire contemporaine, il n’existe aucune personne qui n’en ait fait autant pour les légions tchécoslovaques que le Général Maurice Janin. Grâce à son aide, la Tchécoslovaquie (à ce moment là encore inexistante) pouvait se joindre aux batailles de la Première Guerre mondiale avec une armée comptant environ 100 mille légionnaires. Une armée si nombreuse qui se bat pour un État non-existant a immédiatement attiré l’attention des leaders mondiaux.

Temps de lecture : 20 minutes

Contenu

  1. En Russie
  2. Tsar, tsarine et Raspoutine
  3. Rencontre avec Štefánik
  4. Révolution en Russie
  5. 18 rue Bonaparte

En Russie

Lors de la Première Guerre mondiale, le Général Maurice Janin avait participé activement aux batailles de Nancy, de la Marne et de l’Yser. Au cours du dernier combat, son état de santé s’est fortement dégradé. En conséquence, il a été transféré au Grand Quartier général (GQG) à Chantilly. Là bas,  il est nommé chef d’état-major général des armées françaises sous le maréchal Joffre, commandant en chef, héros de la première bataille de la Marne, durant laquelle l’offensive allemande est arrêtée aux portes de Paris.

La situation sur le front de l’Est n’était pas très optimiste. Malgré un début réussi, elle a commencé à s’aggraver rapidement. Le premier maréchal français n’était pas le seul à s’inquiéter à cause des activités de l’armée russe. Raymond Poincaré, président de la République française, était préoccupé en raison des relations dégradées entre le tsar Nicolas II et la Douma d’Etat. La perspective de voir le front de l’Est se décomposer était pour les Français assez effrayante.  

Depuis le début de la guerre, deux généraux français se sont succédé dans la Stavka, quartier général du commandant des forces armées de la Russie impériale. Pourtant, ni l’un ni l’autre n’a réussi à gagner les faveurs du tsar et son cortège. Il semble que dans le GQG, le Général Janin était le plus apte pour ce faire. 

Il parlait couramment russe et était passionné par la littérature et l’histoire de ce pays… Bref, le monde slave ne lui était pas totalement inconnu. De plus, il était royaliste, ce qui était supposé  l’aider à s’approcher du tsar. Auparavant, il avait effectué plusieurs voyages d’affaires en Russie. En 1912, il avait même travaillé comme instructeur à l’Académie militaire de Saint-Pétersbourg.

Il connaissait bien la Russie, même trop bien. On comprend de ce fait qu’il n’avait pas très envie d’y aller. En outre, le front de l’Ouest était pour les Français plus prestigieux que celui de l’Est.

Le Général Maurice Janin écrit dans ses notes : 

[…] mon séjour en Russie, durant lequel j’ai découvert la situation intérieure du pays, m’a aussi montré la haine ardente d’une certaine partie du peuple envers le gouvernement et l’apathie profonde de tous les autres. Ce séjour a soulevé en moi une forte inquiétude. […] En raison de ces réflexions, je n’avais pas envie d’aller en Russie, mais en temps de guerre il faut aller là où on nous commande… 

Le Général Maurice Janin

En avril 1916, le Général Janin part en Russie impériale en qualité de chef de la mission militaire française. Il est chargé de deux tâches : faire entrer la Roumanie en guerre en tant qu’allié russe et améliorer l’éducation tactique de l’armée russe. En plus, le président Poincaré lui assigne une autre tâche peu conventionnelle… ouvrir les yeux du tsar.

Tsar Nicolas avec sa famille. De gauche: Olga, Maria, Nicolas II., Alexandra Feodorovna, Anastasia, Alekseï et Tatiana. L’année 1913. Source: Wiki

Tsar, tsarine et Raspoutine

Après son arrivée dans la ville de Moguilev, où se situe la Stavka, le Général Janin gagne rapidement les faveurs du tsar Nicolas, qu’il avait déjà rencontré lors du séjour du tsar à Paris avant la guerre, lorsqu’il avait été attribué à son cortège. Il passe beaucoup de temps avec Alekseï, le fils du tsar, qui lui rappelle son propre fils. Leur relation est si étroite qu’il va souvent souhaiter la bonne nuit au tsarévitch.  

Il voit le tsar Nicolas II comme une personne intelligente, non conflictuelle, avec un esprit introverti. Dans son livre « Pád carismu a konec ruské armády », il le décrit comme ci-dessous : 

Tous ceux qui l’avaient rencontré étaient enchantés par la simplicité de son comportement ainsi que par sa véritable bonté qui le caractérisait et qu’on pouvait lire dans ses grands yeux bleus.

Le Général Maurice Janin de tsar Nicolas II

Il ressent de la sympathie pour tsar, néanmoins, il lui est impossible de négliger le véritable état de son règne. Pas seulement le mépris pour les hommes de politique et les diplomates, mais surtout le fait qu’il n’ait aucune idée à propos du pays qu’il dirige. Le Général Janin s’exprime sur Nicolas II ainsi :

Il était sûrement mal informé sur beaucoup de choses, en particulier sur ce qui se passe en ce moment et sur le consentement public dans son pays. […] Il n’avait pas la possibilité de se faire son propre avis basé sur les faits. Ce qu’il lisait n’était pas les journaux, mais seulement des extraits de ces journaux. […] Il recevait peu d’informations de la vie réelle en dehors de sa bulle.

Le Général Maurice Janin de tsar Nicolas II

À l’époque, quand les hommes russes mouraient sur le front sous les feux des Allemands, la tsarine et son origine allemande s’avéraient aussi problématique. Cependant, ce n’était pas son origine qui inquiétait le plus le peuple, mais son enthousiasme fanatique pour Raspoutine. Les officiers russes avaient du mal à supporter les visites de la tsarine qui a commencé à participer aux négociations militaires. Au moment où elle a demandé l’autorisation pour que Raspoutine, son gourou, puisse venir à la Stavka, le grand-duc Nicolas Nikolaïevitch a déclaré que s’il venait, il serait immédiatement pendu.

L’une des nombreuses caricatures de tsarine et Raspoutine.

Des rumeurs courent à travers le pays sur les relations entre la tsarine, ses filles et Raspoutine, et également sur son influence politique envers le tsar. Le Général Janin constate à ce sujet :

C’était probablement une propagande, mais le tsar et sa  famille ont grandement facilité son effet…

Le Général Maurice Janin

Tout d’abord, le Général Janin ne comprend pas la passivité du tsar, mais progressivement, il découvre que Nicolas II n’en est vraisemblablement pas conscient. Il réfléchit longtemps comment accomplir la tâche qui lui a été confiée par le président français. Comment ouvrir les yeux du tsar ? Il se tourne même vers un ami proche du tsar, l’amiral Nilov. Ce dernier lui conseille de tenir sa langue s’il veut rester dans l’entourage du tsar. L’influence de la tsarine sur Nicolas est considérable, tout comme l’influence de Raspoutine sur la tsarine. 

Le Général Janin décide donc de se taire. Il restera ainsi l’ami du tsar jusqu’à la mort de celui-ci. Aucun des deux ne sait que la vie du tsar ne sera pas si longue. 

Le Général Maurice Janin. Source: Wiki

Rencontre avec Štefánik

Juste après son arrivée en Russie, Le Général Janin commence à œuvrer pour que la Roumanie entre en guerre aux côtés des alliés. Même s’il remplit sa mission et la Roumanie se joint aux batailles de la Première Guerre mondiale, sa joie liée à la réussite se transforme rapidement en déception causée par une série des défaites.

L’entrée des Roumains en guerre était au début couronnée de succès. Néanmoins, elle était accompagnée de demandes de toutes sortes, parce que nous avons vite découvert que leur armée est en manque de presque tout. Ils adressaient leurs demandes soit aux Français, soit aux Russes. Mais ces derniers étant eux-mêmes peu riches, ces demandes nous ont vite été transmises.

Le Général Maurice Janin

Leurs demandes de matériel sont suivies par les demandes de renfort. Le tsar Nicolas II indique que :

Elle nous coûte plus que ce qu’elle nous rapporte, et à côté de cela nous avons des ennuis.

Le Tsar Nicolas II de l’armée roumaine

Un message étrange depuis la France fait sortir le Général de l’atmosphère dense qui règne dans la Stavka. Deux missions diplomatiques se rendent en Russie dans le but de recruter des prisonniers tchèques et slovaques pour l’armée française. Au premier abord, Janin est autant perplexe que les Russes. Pourquoi deux missions ?

Le premier arrivant est un certain Josef Dürich avec sa compagnie. Il s’avère plus tard qu’il est en faveur de la création du royaume de Bohême orienté vers la Russie. C’est pourquoi les autorités russes soutiennent sa mission. Par ailleurs, elles refusent que Milan Štefánik, lieutenant d’aviation français, qui est arrivé en Russie juste après Dürich, s’approche du Général Janin. Cela éveille l’attention de ce dernier qui intervient. 

Même s‘il n’a jamais rencontré Štefánik auparavant, ce n’était pas une personne totalement inconnue pour lui. Il a découvert ses travaux scientifiques bien avant la guerre. Il était sûrement au courant de l’amitié de Štefánik avec le Maréchal Foch, pour qui Štefánik avait créé la toute première station météorologique de l’Armée française. 

Janin note la chose suivante à propos de leur premier rencontre en personne :

Petit, maigre, avec le visage rasé, les yeux bleus, peu de cheveux sur sa tête… il a l’air d’être intelligent, passionné et nerveux. Il parle le français avec un léger accent étranger ; même si souvent, il s’exprime lentement, il est toujours exact et précis.

Le Général Maurice Janine de Štefánik

Il se rend compte que Štefánik défend les véritables intérêts du professeur Masaryk qui est pro-occidental, ce qui, au final, convient aussi aux Français. Alors il commence à aider le sympathique lieutenant d’aviation. Il le présente aux officiers russes à la Stavka et arrange pour lui une audience chez le tsar.  

Le résultat de leur coopération est l’unification des colonies tchèques et slovaques, l’exclusion de Josef Dürich du conseil national tchécoslovaque et la consolidation de la position de professeur Masaryk en tant que leader unique de la révolte militaire à l’étranger. 

Et ce n’est pas tout. Les deux hommes, malgré une grande différence d’âge, tissent des liens d’amitié. Cette amitié va durer tout au long de leur coopération sans être troublée par des conflits.

Les Russes n’ont toutefois pas très envie d’envoyer les volontaires tchécoslovaques en France. Les prisonniers représentent pour eux une main d’œuvre pas chère. Ils voudraient voir ces volontaires dans leur propre armée. Finalement, Štefánik obtient la promesse d’Alekseïev, chef d’état-major général de la Stavka, que l’armée des volontaires sera prête dès qu’il rentre de sa mission aux États-Unis.

Entre temps, la révolution éclate en Russie. La majorité des soldats tchèques et slovaques reste emprisonnée dans ce pays qui sera agité par la guerre civile quelques années suivantes.

Lieutenant Milan Rastislav Štefánik. Source: Štefánik vo fotografii, 1938

Révolution en Russie

En Russie, il n’y avait pas qu’une, mais deux révolutions. Pendant la première, le tsar Nicolas II abdique et le gouvernement provisoire est mis en place. Durant la deuxième, le gouvernement provisoire est renversé par les bolcheviks. La situation était telle que nous ne sommes pas capable de dire la date exacte du début de la révolution. Certains disent qu’elle avait commencé le 17 décembre 1916 par l’assassinat de Raspoutine. Au mois de février de l’année suivante, les ouvriers ont débuté la grève dans les usines. Lénine a occupé le Palais d’hiver à Petrograd le 7 novembre 1917. 

De nos jours prévaut l’avis que l’Allemagne serait en grande partie responsable de la révolution en Russie. C’est l’Allemagne qui avait assuré le transport du leader bolchevique Lénine et d’environ 400 autres révolutionnaires dans le pays. L’Allemagne a finalement profité le plus de cette révolution en raison de la chute du front de l’Est en signant le traité de paix de Brest-Litovsk. Mais… ce n’est pas l’Allemagne qui a commencé la révolution.

Les représentants militaires et politiques russes accusaient surtout les Anglais.  Le Général Janin notait leurs opinions dans son journal, c’est ainsi que nous avons pu les conserver. 

Les Anglais aimaient la vision de la Russie morcelée, dépendante d’eux. De plus, le vaste pays était riche en minéraux. Au moment de l’éclatement de la révolution, Petrograd était pleine d’agents anglais. Il était impossible de ne pas remarquer que le gouvernement provisoire créé après la révolution était orienté complètement vers l’Angleterre. Mais… la révolution semblait échapper à leur contrôle. Au bout du compte, les Allemands avec leurs révolutionnaires ont tout basculé.

Le Général Janin constate :

Bien sûr que ce procédé n’est pas très louable, renverser le souverain qui est allié et apparenté de leur propre roi ; néanmoins,  ce n’est pas le premier souverain à qui cela arrive.

Le Général Maurice Janin

Souvenez-vous bien de cette histoire avec les Anglais, nous y revenons.

Il ne serait pas correct de dire que ce sont les intérêts des étrangers, des Anglais ou des Allemands, qui sont tout à fait responsables de la révolution en Russie, comme le souligne l’historiographie russe contemporaine. Sans la base solide constituée des millions de Russes pauvres et mécontents, la révolution n’aurait jamais atteint une telle ampleur. 

Enfin, toute personne qui connaissait au moins un peu la Russie était persuadée que la révolution était indispensable. Même Milan Rastislav Štefánik, à propos duquel le Général Janin écrit : 

La révolution russe n’était pas pour lui quelque chose d’inattendu, il voyait, comme moi et beaucoup d’autres, après tous les messages qu’il eut reçu, comment elle s’approchait, qu’elle était même inévitable.

Général Maurice Janin de Štefánik

Et que se passait-il dans les rues russes ?  Nous pouvons le lire dans les mémoires de légionnaires tchécoslovaques. L’un d’eux, Cyrill Pauliny, écrit :

D’un côté le luxe, le gaspillage, de l’autre la pauvreté et la famine. Quand je regardais cette forte haine de la rue contre les représentants en uniformes de gouvernement tsariste d’hier, je n’étais pas étonné par les actes du peuple contre eux, portés à l’excès. […] L’enthousiasme, l’allégresse, les manifestations, l’amitié, les promesses, les slogans, les discours au coin de chaque rue, une ambiance de fête chez tout le monde sans différence, la création des comités, la préparation des nouvelles élections, la proclamation du droit de vote général ! 

Cyrill Pauliny, légionnaire tchécoslovaque

Sur le front, les conséquences de la révolution sont catastrophiques. Les militaires se révoltent et assassinent leurs commandants. Les officiers s’enfuient ou se suicident, les troupes ne leur obéissent plus. Les fantassins négocient avec les Allemands et dans certaines localités concluent un cessez-le-feu.

Le Général Janin contourne le front et observe avec horreur :

Pendant toute la journée, personne d’entre nous n’a aperçu un seul nouveau trou creusé par une grenade, et presque aucun vieux.

Le Général Maurice Janin

L’offensive menée par l’armée russe qui est à bout de souffle finit par un échec complet. 

Je n’ai plus de doutes, c’est fini avec l’armée russe. Il est inutile d’en vouloir plus.

Le Général Maurice Janin

Le général écrit dans son journal et commence à préparer le retour dans sa patrie. Il décide de passer sa dernière soirée avant le voyage chez Darcy, financier français qui habite près du Palais d’hiver à Petrograd. Vers neuf heures, ils sont surpris par une fusillade vive et une salve du croiseur Aurore. Nous sommes le 7 novembre 1917 et ce qui se passe en Russie sera plus tard appelé la révolution d’Octobre. Le lendemain, le Général Janin part. 

La Russie n’est plus notre allié et je pense que sa prospérité et pour longtemps finie. 

Le Général Maurice Janin

Il note dans son journal. 

Général Maurice Janin en Russie.

18 rue Bonaparte

Dès que le Général Janin arrive dans sa chambre d’hôtel à Paris, Milan Štefánik frappe à sa porte. Il lui demande de devenir commandant de l’armée tchécoslovaque naissante. Janin assure l’officier surmotivé de son affection pour la nation tchécoslovaque, mais il refuse cette fonction qui lui semble peu importante.

Cependant, les projets de Masaryk et Štefánik étaient monumentaux : réunir tous les légionnaires tchécoslovaques dans un corps d’armée, se frayer un passage avec les troupes alliées jusqu’à Berlin et se diriger d’ici d’une façon triomphale sur le territoire de la future Tchécoslovaquie. Sauf qu’il y a un problème dont le Général Janin se rend compte. 

En réalité, cette fonction ne pouvait pas se développer, parce que les parties sont restées isolées, ils ne se sont pas réunis en un seul bloc et les légions russes sont restées en Sibérie.

Tomáš Garrigue Masaryk

Écrit le président Masaryk dans son livre « Světová revoluce ».

Les légions tchécoslovaques se trouvaient dans trois pays : la France, l’Italie et la Russie. Pendant la guerre, leur réunification en corps d’armée n’a pas été un succès à cause des intérêts individuels de ces pays. Le Général Janin aurait alors commandé plutôt une armée théorique qu’une réelle troupe. La vision selon laquelle les Italiens auraient laissé le commandant français s’interposer dans leur armée était irréelle. Au final, l’évolution des événements postérieurs n’a fait que le confirmer. En Russie, où se trouvait le plus grand nombre des légionnaires, la guerre civile était en cours et il n’était donc pas possible de transporter tous les militaires en France. 

Sauf qu’un « non » n’est pas une réponse acceptable pour Milan Štefánik. Vous le connaissez : on le sort par la porte, il entre par la fenêtre. Il essaye de persuader le Général jusqu’à ce qu’il obtienne son accord. Début 1918, le siège du conseil national tchécoslovaque situé sur la rue Bonaparte s’élargit. Au deuxième étage arrive l’état-major général avec le Général Janin en tête.

J’étais, en fait, le ministre de la guerre du conseil national.

Le Général Maurice Janin

Le Général Janin décrit son travail à côté de Milan Štefánik et Edvard Beneš. 

En passant, l’ambassade de la République Tchèque se trouve toujours sur cette rue. Mais retournons en 1918.

Le ministère français de la Guerre prévoit d’intégrer les diverses troupes autonomes dans la Légion étrangère avec des officiers français et de les implanter ainsi sur le front de l’Ouest. Ceci est en contradiction avec les plans de Masaryk. C’est pourquoi Štefánik demande un rendez-vous avec le Général Pétain, un bon ami du Général Janin. 

Oui, c’est le même Philippe Pétain qui, 20 ans plus tard, entra dans l’histoire en raison de la collaboration avec l’Allemagne nazi. Revenons en 1918, quand le destin des légions tchécoslovaques dépend de la décision de celui-ci. 

L’un après l’autre, nous avons exprimé au Général l’importance morale de l’autonomie totale des forces tchécoslovaques, s’ils pourraient se présenter sur le front sous leur propre drapeau national. Notamment, Štefánik lui parlait des persécutions que le peuple devait subir pour cette raison pendant la guerre. […] Nous sommes partis de chez lui  comme des gagnants.

Le Général Maurice Janin

Se souvient le Général Janin dans son livre « Moje účast ».

Pétain écoute le jeune lieutenant-colonel avec un accent étranger sans y croire, il ne cesse de se retourner vers son ami pour lui confirmer que tout ce qu’il entend est la vérité.

Alors, grâce à l’intervention du Général Janin et de Milan Štefánik, les légions tchécoslovaques restent autonomes et les travaux d’édification de notre corps d’armée peuvent être entamés. 

Le Général réussi à former et entraîner deux régiments de volontaires, qui sont transportés en France par Štefánik depuis différents pays du monde. Il s’agit du 21ème régiment à Cognac et du 22ème régiment à Jarnac. Environ 10 mille hommes. Pendant ce moment, Štefánik passe beaucoup de temps en Italie, où il cherche à persuader les autorités locales pour qu’elles permettent l’engagement de 30 mille prisonniers dans les légions tchécoslovaques. Bien que les Italiens soient d’accord avec la création des légions, ils refusent de les envoyer en France. En plus de ça, près de 50 mille hommes attendent en Sibérie.

Une armée si nombreuse attire l’attention. En premier lieu, elle intéresse les Anglais. Oui, ces Anglais, qui ont échoué pendant la révolution russe. Ils voient dans les légionnaires une occasion de lutte immédiate contre les bolcheviks et le possible sauvetage de leurs intérêts en Russie. 

Le Général Janin sait qu’il doit parvenir à son armée au plus vite. En juillet 1918, il reçoit une autorisation et le Ministère de la guerre français l’envoie comme commandant en chef des légions tchécoslovaques ainsi que commandant de la mission militaire française en Sibérie. Le 24 août 1918, le Maréchal Foch, commandant en chef des alliés, le nomme aussi le commandant de toutes les forces armées alliées en Russie. Milan Rastislav Štefánik, à ce moment déjà Général, devient son adjoint et le représentant politique de la Tchécoslovaquie.  

Par ailleurs, la carrière militaire exceptionnelle de Štefánik, qui reste probablement sans équivalant dans l’histoire de l’armée française, était aussi l’œuvre du Général Janin.

Plus tard, à Paris, il a plusieurs fois exprimé son désir d’avoir un grade plus haut, en disant que cela augmenterait son autorité lors des négociations en Italie. […] Pour le contenter, j’avais commencé à traiter avec le cabinet du Ministère de la Guerre. C’était pénible, d’abord ils n’ont accordé que sa promotion au lieutenant-colonel. J’ai dû insister longuement et importunément pour qu’il devienne Général.

Le Général Maurice Janin

Écrit le Général dans son livre « Milan Rastislav Štefánik ».

Tous les deux Généraux savent que leur tâche en Sibérie sera difficile et que le résultat est incertain, mais aucun des deux n’entrevoit à quel point. Elle dégradera la santé délicate de Štefánik et détruira la carrière de Janin.

À continuer la prochaine fois.

Traduit par : Klaudia Miezgová
Tous les extraits des livres ont été traduits par mes soins, ainsi que l’ensemble de cet article.

Sources:

Monika Holečková

Od Monika Holečková

Volám sa Monika Holečková a som autorkou tohto blogu. Snažím sa príbehy z našich dejín rozprávať tak, aby ste pri nich nezaspali a aby som sa príliš nevzdialila od skutočnosti.